Comme
beaucoup d'enfants nés dans les années 90', j'ai découvert
L'Histoire Sans Fin grâce au film réalisé par Wolgang
Amadeus Mozart Pertersen en 1984. Mes grands-parents l'avaient
en VHS. VHS, que je ne manquais jamais de visionner pendant les
vacances. Donc, quand j'ai découvert bien des années plus tard, que
le film était en fait l'adaptation d'un roman de Michael Ende (nom
collant parfaitement avec le titre de son roman) publié en 1979, il
fallait absolument que je le lise ! Voilà
qui est désormais chose faite, et pour tout vous avouer, je ne
m'attendais pas à ce que se soit un tel coup de cœur !
1. L'art de la mise en abyme
La
grande force de L'Histoire Sans Fin, c'est la mise en abyme.
Le roman raconte les aventures d'un jeune garçon rondouillard, mal
dans sa peau qui vole un livre intitulé L'Histoire Sans Fin
dans une librairie. Au fur et à mesure de sa lecture, il se rend
compte qu'il fait lui-même partie de la quête dont le but est de
sauver le monde et les habitants du Pays Fantastique.
La
première chose qui frappe à lecture du roman, c'est le jeu de
couleurs entre les différentes parties du récit. Les passages se
déroulant dans notre monde sont écrits en bleu, tandis que les
éléments du récit prenant place dans le Pays Fantastique sont
écrits en noir. Un deuxième élément intéressant est la
description du roman que Bastien tient entre ses mains : « il
était relié, de couleur bleue, et le titre étincelait quand on le
manipulait. En le feuilletant rapidement, Bastien vit qu'il était
imprimé en deux teintes différentes. Il n'y avait pas
d'illustrations, mais des lettrines très grandes et splendides. En
regardant à nouveau la reliure, plus attentivement, il y découvrit
deux serpents, un clair et un foncé, qui se mordaient la queue l'un
de l'autre décrivant un ovale. En dessous de cet ovale figurait le
titre : L'Histoire Sans Fin ». Cette description
correspond exactement au livre qui le lecteur est en train de lire.
Cela crée immédiatement un parallèle entre le héros :
Bastien, et nous, le lecteur. De plus, cela favorise notre
implication dans le récit en nous mettant directement à la place de
Bastien qui lit le même livre que nous.
À
mesure que Bastien avance dans sa lecture et accepte le fait de faire
lui-même parti du récit, le lien entre lui et Atréju évolue.
Simple héros de roman au départ, ce dernier devient une personne à
part entière, puis un compagnon de route pour Bastien. Évidemment,
ce changement est graduel. Cela permet une transition douce des rôles
des personnages. À la fin du
premier tiers du roman, Bastien prend la place d'Atréju. Or, si
Bastien prend la place d'Atréju quelle est notre nouvelle place dans
le récit ? Michael Ende nous met dans la même position que
Bastien au début du roman. Ce procédé renforce encore une fois le
parallèle entre Bastien et nous : lecteur.
Le
lien entre Bastien et Atréju est doublement intéressant, car il est
aussi révélateur du lien entre le Pays Fantastique et notre monde :
« la pupille verticale fixait Atréju avec une inconcevable
méchanceté. Bastien poussa un léger cri de frayeur. Un hurlement
de frayeur résonna à travers la crevasse, renvoyé en écho entre
les deux parois ». Ainsi, si le Pays Fantastique est
malade, le notre aussi car les créatures aspirées par le néants
qui ravagent le Pays Fantastique deviennent des mensonges dans notre
monde ; quant aux rêves que nous oublions le matin, ils
deviennent des images qu'un mineur du Pays Fantastique sort de
terre... Ce ne sont que quelques exemples, mais les parallèles entre
les deux mondes regorgent dans le roman ce qui renforce la
construction de l’œuvre basée sur la mise en abîme.
2. Un roman d'aventure ?
Deux
héros d'une petite dizaine d'années, un monde en train de se faire
engloutir par le néant, des dragons, des monstres, un village hanté,
des épreuves de bravoure ! Tel est le menu que nous propose
Michael Ende dans la plus pure tradition de la littérature
fantastique jeunesse exception faite des mises en abyme dont nous
avons déjà parlé. Au rythme des galopades d'Artax ou sur le dos du
dragon de la fortune, les paysages défiles et les péripéties
s'enchaînent pour mener à bien la quête qu'Atréju s'est vu
confier par la petite impératrice. Çà et là, l'auteur viendra
plaquer un sourire sur notre visage, avec quelques petites touches
d'humour bienvenues : « C'était un feu follet. Et il
avait perdu son chemin. C'était donc un feu follet fourvoyé, chose
plutôt rare au pays fantastique. En principe, ce sont justement les
feux follets qui égarent les autres gens. ».
Outre
la fluidité du récit, l'auteur est particulièrement doué pour
nous impliquer émotionnellement dans son récit. La détresse des
habitants du Pays Fantastique apeurés à l'idée que leur monde
sombre petit à petit dans le néant est palpable. De même, les
instants de doute qui rongent Atréju persuadé de ne pas pouvoir
mener sa mission à bien, deviennent source d'angoisse pour Bastien,
puis le lecteur. Sans parler de la mort du fidèle destrier Artax,
souvenir au combien traumatisant pour nombre d'entre nous :
« ''Artax !
S'écria Atréju, il ne faut pas que tu te laisse aller !
Viens ! Sinon tu vas être englouti ! Laisse-moi maître !
Répondit le petit cheval, je n'y arrive pas. Continue tout seul !
Ne te soucis pas de moi ! Je ne peux plus supporter cette
désolation. Je veux mourir.'' Atréju tirait désespérément sur la
bride, mais le petit cheval s’enfonçait toujours davantage. Atréju
ne pouvait rien y faire. Quand finalement ne demeura plus au-dessus
de l'eau noire que la tête de l'animal, il l'a prit dans ses bras
[…] Bastien sanglotait. C'était plus fort que lui. Ses yeux
étaient remplis de larmes et il ne pouvait pas continuer à lire. ».
Pourtant,
contrairement à ce que pourrait laisser penser le film, la partie
purement aventure de l’œuvre ne représente qu'un tiers du roman.
Tiers qui a été adapté, tandis que la deuxième partie de
l'histoire dans laquelle Bastien entre dans le Pays Fantastique a été
laissé de côté par le cinéaste !
3. Plutôt un contre philosophique !
Or,
c'est sans doute cette deuxième partie de l’œuvre qui est la plus
intéressante ! En effet, dans cette dernière l'auteur nous
propose une réflexion sur la nécessité de raconter et de créer de
nouvelles histoires ainsi que sur l'importance du développement de
l'imagination autant pour les petits que les grands enfants. Cela
fait de L'Histoire sans fin,
non pas un roman d'aventures mais plutôt un conte philosophique. Le
conte philosophique est un genre littéraire qui permet de critiquer
des aspects de la société par le biais d'une histoire fictive.
A travers son œuvre, Michael Ende reprend la théorie du
désenchantement du monde du Max Weber qui fait état d'un recul des
croyances religieuses et magiques au profit des explications
scientifiques. Ce concept fait écho au sentiment d'une perte de sens
voire d'un déclin des valeurs permettant d'harmoniser les sociétés.
Dans L'histoire sans fin, ce désenchantement est matérialisé
par le néant et l'incapacité des habitants du pays fantastique a
inventé des noms et des nouvelles histoires.
Le
format du conte permet aussi à l'auteur de mettre en garde sur la
nécessité de trouver un juste milieu entre les rêves et la
réalité. Il est certes important de nourrir son imagination avec de
belles histoires, mais il ne faut pas pour autant rejeter le monde
réel pour vivre dans les rêves. Le livre propose aussi une
réflexion intéressante sur les conséquences de nos désirs (soif
de pouvoir, soir d'évasion, fuite de la réalité) et sur le fait
que le mal peut être fait avec les meilleures intentions du monde.
Hello ! Je ne connaissais que de titre mais ça m'a tout l'air d'un chouette livre à l'univers des plus exaltants ! En plus l'objet-livre est bien beau dis donc ! Et bon premier blog-anniversaire ;)
RépondreSupprimerMerci beaucoup !! Oui, le livre et super beau ;)
SupprimerOh moi aussi c'était l'un des films de mon enfance, ces photos me rappellent des souvenirs ! Je ne savais pas que ce film était tiré d'un livre mais ta chronique me donne envie de le lire.
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